Page:Yver - Un coin du voile.djvu/229

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cette pension, trop usé pour s’habituer aux nouveaux visages, alors que l’été de sa fille s’ouvrait radieux, il s’ensevelissait pour toujours dans l’hiver de sa vie, cet hiver sans soleil et si bref des infirmes solitaires…

Et Hélène revécut tout son passé : son enfance et les tendresses de ce pauvre père, qui la faisait doucement danser sur son genou lorsqu’elle avait trois ans, cinq ans ; les courses faites avec lui quand il quittait les bureaux de la filature pour l’entraîner par la main, dans la campagne, écoutant son babil, la portant dans ses bras, déjà lourde à faire peur, si elle traînait trop visiblement ses petites jambes ; et le labeur continu de l’industriel dans ces bureaux de la filature, d’où il sortait la tête alourdie de migraines, anxieux, inquiet, fiévreux, mais fier de lui gagner une dot pour la marier un jour bellement. Tout ce dévouement secrètement passionné des pères s’évoquait en images poignantes. Et quand après vingt-huit années d’affection, vieux, débile, terrifié devant la solitude, il avait d’elle, de ses soins, de sa protection, un besoin éperdu,