Page:Yver - Un coin du voile.djvu/230

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elle fermerait les yeux, le laisserait tout seul dans cette chambre froide et courrait au bonheur !

« Je ne ferais pas mal pourtant ! gémit en elle son égoïsme torturé ; c’est la loi ! »

Elle était haletante. Des perles de sueur naissaient à son front. Elle faisait des calculs implacables et durs comme ceux de la Nature même, supputant les années de vie qui restaient au vieillard et celles qui s’ouvraient si joyeuses devant elle. Sacrifier le déclin d’une existence à l’aurore d’une belle vie n’était que justice. Mais le passé rentrait en elle, la reprenait, lui devenait ineffablement cher, s’identifiait avec son moi dont elle était orgueilleuse. L’emprise de son amour n’était pas encore la plus forte. Elle s’en libérait, reprenait la domination de son cœur. Un instant, les délices auxquelles s’initiait depuis des semaines son âme amoureuse l’appelèrent. Elle revit son fiancé, sentit l’étreinte de ses bras, se rappela la suavité de leurs entretiens. Elle revit la maison choisie, les meubles jolis, leur chambre ; puis la robe des noces essayée la veille, les souliers de