Page:Yver - Un coin du voile.djvu/23

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— Comme vous souffrez, murmura-t-il, avec un accent d’infinie pitié.

Elle le pénétra tout un moment de ses yeux gris, inquiets, chercheurs et peureux qui prirent une acuité enfantine. Puis, peu à peu, une confiance les envahit, et ils recouvrèrent leur expression vraie, triste et douce.

— Oui, répondit-elle alors, je souffre beaucoup.

Et il partit sans avoir osé l’interroger davantage.

La souffrance de cette jeune fille le torturait, non point qu’il la comprît bien, car la douleur des autres nous est inconcevable, mais parce qu’il se sentait impuissant à la consoler. Et des imaginations folles lui venaient : la prendre dans ses bras, comme un enfant qui pleure, couvrir de baisers son front, ses yeux délicats, ses mains. Qu’était-ce donc que les caresses dont il avait eu l’instinctive méfiance, dans sa vie cérébralisée de solitaire ! Par moments il se disait : « Je ne l’aime pas, c’est de la pitié. »

Ils se revirent tous les jours sans se parler. Une fois elle lui raconta :