Page:Yver - Un coin du voile.djvu/24

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— Cela me console de venir. C’était mon petit frère, presque mon enfant. Je n’avais plus que lui au monde, je l’avais élevé. Je suis dessinatrice, je travaillais pour lui. Maintenant je n’ai plus personne ; je travaille pour moi ; ce n’est pas gai. Oh ! monsieur, la vie est abominable !

— Comment, s’écria-t-il indigné, la vie est bonne, au contraire, puisqu’elle est toutes choses, elle est nous-mêmes. Pour quelques secousses dont nous ne connaissons pas l’opportunité secrète, que de bonheur, que de délices nous attendent !

— Ah ! fit-elle, en secouant la tête avec un désespoir, une lassitude sans nom, j’aimais trop ce pauvre petit être. Aucune joie ne m’est plus permise, maintenant ; tout est fini pour moi.

— Allons donc ! la vie veut que l’on se console. Vous ne cesserez pas de demeurer tendrement attachée au souvenir de l’enfant, mais vous cesserez de souffrir.

Il s’étonnait lui-même. Pour arracher au découragement cette pauvre fille, il oubliait son propre pessimisme, et les arguments abon-