Page:Yver - Un coin du voile.djvu/25

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daient sur ses lèvres pour défendre l’excellence de la vie. À la fin, elle sourit amèrement.

— Vous êtes, et avez été sans doute toujours très heureux, monsieur, dit-elle.

Il se récria :

— Heureux ! Heureux, moi !

Et le front dans sa main, il dit tout bas :

— Je suis l’être le plus triste au monde. Vous, au moins, avez connu une affection souveraine, mais moi, nul ne m’a aimé ; je n’ai aimé personne. J’ai toujours été seul, effroyablement seul.

Les yeux de la jeune fille changèrent, une indicible expression de pitié y allumait un feu exquis : la tristesse s’y évanouissait, la bonté y demeurait, mais étrangement expressive et rayonnante.

Quand ils se séparèrent, elle lui demanda :

— Comment vous appelez-vous ?

— Louis, mademoiselle.

— Moi, je me nomme Marguerite.

Et la manière longue et tiède, timidement tendre, dont elle lui serra la main, fut, de la vie la première douceur qu’il devait connaître.