Page:Yver - Un coin du voile.djvu/244

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moi mise à prix, en ce commerce de la prime, je n’eus pas d’autre idée que de voir la mort hâter le marché. J’avais été surpris à mon tour, roulé par ce mystère de l’argent et, le sens moral chaviré, réduit à souhaiter pour la première fois de ma vie qu’un malade, confié à mes mains de médecin, succombe.

» Ma conscience se ressaisit à temps, mais je demeurai terrifié, moins par ce qui s’était joué en moi que par ce qui pouvait se passer d’analogue dans le cœur de l’épouse.

» Je l’entendais encore s’écrier devant moi : « Ne me parlez pas de cet être ! » Maintenant qu’il s’en allait, que nul ne le verrait plus, que nul ne parlerait plus de lui jamais, quelle allégeance secrète devait être en elle !

» Je la pris à part dans la salle proche :

» — Le moment va venir de pardonner, lui dis-je ; je ne vous cache pas qu’il est perdu. La mort d’un homme jeune est toujours terrible ; je réclame de vous un dernier effort de compassion. Je ne parle plus à sa femme, mais à mon infirmière. Lui est « mon malade », et je vous le confie.