Page:Yver - Un coin du voile.djvu/27

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pensée que rien ne lui avait jamais autant appartenu que cette femme dont la nature, l’amour et la loi faisaient sa chose, lui donna d’abord un orgueil puissant et joyeux. Mais elle était venue trop tard dans sa vie ; certaines dispositions chagrines trop invétérées en son humeur, restaient incurables. Par instants, son scepticisme renaissait assez vigoureux sous l’amour pour l’analyser. Car le serment d’éternité qu’il avait prononcé le matin le déconcertait. Qu’était-ce donc qu’aimer pour jurer d’aimer toujours. Que feraient, à la longue, de leur doux contrat, les vicissitudes de la vie ? Et que lui réservait cette âme impénétrée de femme, petite source mystérieuse et incertaine de son bonheur ? Il tremblait déviant ce cœur ignoré ; il en redoutait la longue habitude, l’accoutumance ; il en craignait l’inconnu. Alors il se grisait de baisers, de mots de passion, mais c’était encore pour leurrer son inquiétude. Alléché de bonheur, il ressemblait au voyageur agonisant de soif qui a rencontré la fontaine et se demande tout en buvant : « Ne tarira-t-elle pas ? »