Page:Yver - Un coin du voile.djvu/28

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Mais les jours passèrent, les semaines, et au lieu de tarir, la fontaine de bonheur s’emplissait de suavités nouvelles. L’extase se perpétuait, aux phases diverses du jour. Il connut le retour au foyer où vous attend une femme inlassablement caressante, le charme des repas où l’on a devant soi une épouse qui vous sourit, ses sommeils si confiants, près de lui. Il connut ces veilles adorablement intimes, où ils causaient tous deux, sous la lampe. Ses maux de tête devenaient très fréquents ; Marguerite se fit sa gardienne ; elle eut le pas de velours, le mutisme délicat, les glissements berceurs près du lit, qui sont, au malade, si lénifiants. Et il aspirait à même le bonheur, s’en délectait, s’en gorgeait, de toutes les forces de son âme.

Elle le choyait comme un enfant, au point qu’on ne savait si c’était son petit frère mort qu’une ancienne habitude de tendresse lui faisait aimer en son mari, ou son mari déjà, que, d’une manière lointaine et intuitive, elle avait commencé d’aimer dans l’enfant. Son amour était silencieux et discret. Et partageant son temps entre ses travaux d’art et son mari elle vivait