Page:Yver - Un coin du voile.djvu/29

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tranquille, complétée, sereine, le cœur satisfait.

Un soir, il rentrait. Elle lui trouva l’air joyeux. Il sifflotait, en ôtant son pardessus, un refrain d’opérette et lui dit en l’embrassant :

— J’ai rencontré le ministre.

Indifférente, elle prononça :

— Ah ! lequel ?

— Celui de l’Instruction publique, je crois que je vais être décoré.

Cette plaisanterie la fit bien rire. Elle savait quelle absence totale de vanité caractérisait l’âme fière de son mari. Elle riait d’un rire de bonheur qui était chez elle comme une floraison, ignorée jusqu’ici, de sa jeunesse étouffée, et elle paraissait ainsi puérile, gracieuse, amoureuse et jolie. Comme elle était fière de lui ! Comme elle aimait son dédain de toute gloriole, sa gravité, ce qui le faisait différent des autres, en même temps plus sincère et plus grand. Et d’un geste elle l’enlaça comme l’eut fait la plus douce maîtresse, la plus câline.

Le lendemain, en rentrant, il parla d’une nouvelle rencontre ; ce n’était plus le ministre, mais le chef de l’État lui-même. Marguerite