Page:Yver - Un coin du voile.djvu/280

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pas, je sondais le quai, où je ne les voyais pas davantage, quand Édith m’appela de la véranda où elles riaient toutes trois.

— Madame ! madame ! criait-elle sur son joli ton de chanson, venez vite voir Baby.

Et près de Jean penché vers elle et lui parlant, Baby dans sa robe rouge, le boa blanc au bras, laissant nu son cou de petite aristocrate, sa casquette retenant mal les boucles folles sur son front, se promenait dans le parc, mystique et recueillie, laissant seulement parfois tomber de ses lèvres de doux noms anglais, ses yeux de cristal levés sur lui.

J’avais bien un peu fait ce couple-là ; pendant que les sœurs aînées rayonnaient de joie et de surprise, il me vint en suivant du regard les amoureux un orgueil qu’il faut que j’avoue et dont je devais être, hélas ! durement punie.

Pourquoi raconter leurs jours de joie ? Ce fut une joie en sourdine, intense et silencieuse, intimement liée aux douceurs de l’automne qu’on traversait alors ; l’âme nébuleuse de Maud, pareille aux brouillards de septembre sur le fleuve, s’éclairait d’une chaude lumière de