Page:Yver - Un coin du voile.djvu/289

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mit à peser sur ma maison, comme l’accablante électricité qui précède les orages.

Maud, illisible, sereine dans sa souffrance, ne vivait plus que loin de moi, et j’avais un tel respect pour ce désespoir d’enfant, que je me prêtais à ses effarouchements, la laissant libre de tout regard, libre de cacher ses larmes où elle voudrait.

Et puis l’orage éclata. Ce fut une lettre de ma vieille amie qui l’apporta après qu’une semaine et demie se fut écoulée depuis le départ de Jean.

« Ne le marions pas encore, disait-elle ; cette petite Anglaise n’est vraiment pas assez riche. Jean n’a pas de fortune personnelle, que feraient-ils ? Un ménage pauvre est un pauvre ménage, vous savez ; il l’a bien compris et se montre très raisonnable dans l’oubli de cette folie. Nous tâcherons de trouver mieux. »

Oh ! cette lettre ! la Seine en emporta les morceaux, mais je l’avais gravée pour toujours dans le cœur. Trouver mieux que Maud, Seigneur ! mieux que cette exquise ombre de femme, rêve et tendresse, pétrie d’amour et de