Page:Yver - Un coin du voile.djvu/32

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cerveau désemparé. « Louis, suppliait-elle, regarde-moi. » Car il lui semblait qu’à la lumière de sa propre âme et de ses yeux, elle rallumerait la lumière éteinte dans cette âme obscurcie. Et il répondait aux puissances infinies de ce cri par le fatras de ses insanités orgueilleuses. Alors elle se rappela ses longues fatigues cérébrales, son surmenage, ses insomnies, ses veilles : elle pensa aux cruelles souffrances de ses migraines, à ces longs et lointains prodromes, douleurs de tête ou lassitudes du cerveau épuisé, qui présageaient depuis des mois, sans qu’elle y songeât, la catastrophe d’aujourd’hui. Et terrifiée, ayant en même temps horreur, peur et honte, elle courut s’enfermer dans sa chambre où elle tomba sans force, au chevet de leur lit.

D’abord, elle n’eut qu’une idée, poignante et atroce : la perte de son bonheur. Tout ce qui avait été, depuis trois mois, ne serait plus. Finis les douces expansions, les échanges d’idées, les muettes ententes, les sourires intimes qui mariaient leurs deux pensées. Finie l’adorable société intellectuelle de cet homme qui était