Page:Yver - Un coin du voile.djvu/35

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cruelle régnait dans leur sincérité, puisqu’à ces moments d’intimité mentale elle lui devait cacher qu’il devenait fou et qu’elle en mourait. Puis elle se reprenait à des espoirs insensés que ruinait une minute après une phrase du pauvre esprit retombé dans ses limbes.

Elle connut alors une pudeur honteuse et nerveuse qui lui faisait voiler éperdument, pour tout le monde, l’infirmité de cette grande intelligence éteinte. D’abord, pour le soustraire aux railleries secrètes et inavouées de la domestique, elle la renvoya, s’astreignant ainsi à toutes les besognes matérielles du foyer. Elle se confia au médecin qui signa une ordonnance de congé forcé pour anémie cérébrale, et les cours furent suspendus. Après quoi, elle se séquestra elle-même avec le fou.

Le mal empira vite. Les pensées se firent incohérentes ; l’amour seul subsistait, elle s’y prêtait doucement, soumise à la démence de son mari comme elle l’avait été naguère à sa raison. Le médecin hasarda un jour :

— Il devrait être traité dans une maison… spéciale.