Page:Yver - Un coin du voile.djvu/36

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Marguerite eut un sursaut.

— L’asile d’aliénés, cette geôle, pour mon pauvre malade ? Non, non, docteur, je le garde.

Elle se savait indiciblement forte : elle était sa défense, sa tutrice, sa mère ; elle le protégerait jusqu’au bout. Ce jour-là, elle se sentit le cœur gonflé de tendresses nouvelles, et quand il lançait au hasard ses phrases sans lien, les écoutait, en souriant à ces dernières lueurs d’un esprit à l’agonie, comme elle eût souri aux premiers bégaiements de son enfant.

Ils étaient pauvres, la vie matérielle devint précaire ; Marguerite travailla double. Levée au jour elle venait, les yeux gros encore de sommeil, s’installer à sa table de travail dans l’atelier, et lui que l’impitoyable mal ne laissait pas dormir et qui la suivait puérilement, s’installait à ses côtés, souvent vêtu d’une manière grotesque, affublé tantôt d’une robe, tantôt d’une ceinture rose qu’il nouait à son vêtement de nuit. Alors elle le regardait tristement sans rien lui dire.

Mais des heures plus cruelles l’attendaient.

Elle vivait actuellement sur le reliquat de