Page:Yver - Un coin du voile.djvu/37

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leur amour. La destruction lente de sa mentalité oubliait encore dans le jeune homme quelques restes de l’adoration ardente de naguère. Et c’était à cette faible lueur, reflet d’un feu mourant, qu’elle alimentait sa vaillance. À mesure même qu’elle sentait s’éteindre en lui le sentiment, elle s’agrippait avec un désespoir inconscient à l’habitude des caresses machinales, et elle recevait ces baisers sans vie, dont toute la saveur venait pour elle de ceux d’autrefois.

Mais un jour, hagard, livide, les yeux béants il lui dit :

— Ma femme ? où est ma femme ?

Elle voulut l’étreindre :

— Je suis là, mon chéri, me voici, toujours près de toi…

Il la repoussa :

— Retirez-vous, je ne vous connais pas.

À demi-folle elle-même, elle lui saisit les poignets, s’y crispa, plongea son regard dans les yeux inexpressifs, et avec une véhémence physique où passèrent toutes ses forces, lui murmura :

— C’est moi, c’est moi, je suis là, je t’aime.