Page:Yver - Un coin du voile.djvu/41

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Et les nerfs du malade, à ces vibrations agréables, s’ensommeillaient béatement.

Dans la rue, quand elle passait pour des courses rapides, les voisins se la montraient du doigt, vive, essoufflée, amaigrie et pâle, et ils chuchotaient, à demi railleurs, devant cette femme amoureuse d’un fou. Mais elle allait sans voir, faisait prestement ses emplettes, courait à la poste expédier ses dessins, et serrant contre elle la clef qui avait emprisonné son malade, rentrait à la hâte, inquiète, frémissante et lassée.

Elle le retrouvait assoupi dans son fauteuil, stupide, épaissi par l’embonpoint naissant, premier effet de sa vie végétative, ou bien fouillant les buffets, toujours affamé et en quête de nourriture friande. Alors elle lui offrait comme à son enfant, les gâteaux fins qu’elle rapportait, et sans dégoût, sans répulsion ni révolte, souriait à son plaisir vorace.

D’abord, dans cette dépouille vivante c’est le passé qu’elle avait cherché. Elle avait évité l’instinctive horreur, en voyant moins le fou qu’un état morbide et transitoire subi par le