Page:Yver - Un coin du voile.djvu/42

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noble bien-aimé. C’était à l’époux d’autrefois, qu’à travers l’accident actuel, elle gardait sa fidèle tendresse, et quand elle baisait ce front d’insensé, une constance inviolée de veuve, lui faisait toujours revoir sous cette forme dégradée, l’image qu’elle avait connue aux premiers jours de leur union. Parfois même, alors, au milieu des soins maternels qu’elle rendait au malheureux, il lui semblait sentir dans l’invisible, comme le mystérieux regard lucide et beau de Louis, qui la soutenait, l’approuvait, la remerciait.

Mais les semaines, les mois, plus d’une année avaient passé, et l’admirable intelligence, loin de se ressaisir, sombrait de jour en jour, plus profondément dans la bestialité. Si bien que le temps se faisait très bref où elle avait aimé l’homme sain, tandis qu’elle se sentait mariée de plus en plus et depuis une période infinie, au dément. Alors sa tendresse se déplaça, et revint, par une force insensible, à ce corps sans âme qu’elle avait dix fois plus connu que l’autre. Elle finit par le chérir tel qu’il était maintenant, avec son intelligence éteinte,