Page:Yver - Un coin du voile.djvu/46

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mais se contenter ! Quand son mari disait : « Il fait beau », ou bien : « La sauce est bonne », elle avait de petites joies tristes…

Pourtant, comme son idylle avait été belle ! Quel poème ! quel roman ! Et pendant que son crayon de dessinatrice couvrait le papier, dans ses longs et patients travaux d’illustration, sa pensée libérée se plongeait dans ces divins souvenirs, et elle s’en nourrissait, comme un affamé qui rôde autour d’une table se repaît de parfums. Le besoin impérieux la prit même de revivre ces réminiscences. Ce serait poignant, cruel et délicieux de retourner cueillir dans les sentiers du grand cimetière, des fragments, des lambeaux oubliés de son rêve. Oui, elle irait : son désir se précisait : elle irait un matin, à midi, sur la tombe du petit Jacques, elle y traînerait à son bras le pauvre insensé, puisqu’elle ne pouvait le quitter, et il y aurait à cela moins d’ironie que de douceur. Elle l’aimait tant son grand enfant, et de quelle pitié !

C’était le début de mai. Elle l’habilla ce matin-là plus tôt que de coutume. Il avait à