Page:Yver - Un coin du voile.djvu/47

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sortir un plaisir enfantin, et il se réjouit quand elle lui prit la main, disant : « Viens te promener. » Depuis plusieurs jours, elle lui trouvait une tristesse étrange, et si le pauvre cerveau avait été capable de penser, on aurait dit qu’un souci l’accablait. « Il souffre peut-être, se dit Marguerite ; l’air lui fera du bien. »

Et serrée contre lui, l’entraînant dans sa marche, elle allait, rêveuse et distraite, vers cette évasion dans le passé et le bonheur aboli. Elle conduisait son mari, mais aussi distraite de lui que ces mères songeuses et absorbées qu’on voit dans la rue promener leur enfant, le sont du petit être inapte à les comprendre. C’était à l’autre qu’elle rêvait, à l’amant idéal, aimé là, jadis, dans ce désert du Père-Lachaise.

Quand elle en franchit le portique, elle se sentit le cœur étreint d’une impression de regret douloureux. Une femme les croisa, les yeux rougis, des pieds à la tête enveloppée de crêpe. « Moi aussi je suis veuve », songea Marguerite ; et elle s’orienta dans une pause d’une seconde, car depuis deux années, elle