Page:Yver - Un coin du voile.djvu/48

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avait oublié l’itinéraire exquis où elle rencontrait chaque jour, à cette même heure, le bien-aimé.

Devant elle, dans une pente douce et infinie, le cimetière s’élevait comme un parc touffu, plein de frondaisons jeunes, compactes, au vert éblouissant. La lumière printanière et puissante de cette matinée de mai y planait, affranchie des buées de la ville ; et surplombant, comme d’une terrasse, la grande avenue montante, les deux chapelles dépareillées découpaient, sur le bleu violent du ciel, la blancheur de leurs frontons. C’était, sous la richesse du soleil, comme l’entrée luxueuse d’un palais, tandis qu’alentour, on pressentait des profondeurs et des ombres mystérieuses. Et Marguerite se ressouvint tout à coup. Dans la grande ville ensommeillée, où se croisaient tant de rues silencieuses, elle prenait autrefois cette allée pavée, entre de blancs caveaux neufs ; et elle y traîna son mari, angoissée, fiévreuse, l’allure plus rapide, à mesure qu’elle approchait du lieu où dormaient ses souvenirs.

Au-dessus d’elle, les taillis s’étageaient en