Page:Yver - Un coin du voile.djvu/50

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banc. Devant cette colonne brisée, il avait prononcé : « Je vous aime. » Et sous ce dais compact de verdure, ayant devant les yeux le rideau descendant, tissu de feuilles emmêlées, qui, léger et profond, leur voilait Paris, ils s’étaient extasiés, un matin, les mains serrées, sans rien se dire.

Alors, inconsciemment, elle guidait le fou parmi les tombes, l’oubliant dans son évocation de l’autre, l’amant d’autrefois montant à la petite tombe blanche de son frère, moins pour y retrouver l’enfant mort, qu’une poussière de sa joie perdue. La tombe blanche, en deux années, était devenue grise, mais quand elle la reconnut de loin, elle s’y rua, et vint s’y abattre à genoux, tout en pleurs.

C’était ainsi, la première fois ; et il était venu, sans bruit, glissant sur l’herbe molle, tout d’un coup, se dressant devant elle. Oh ! de quel regard il l’avait enveloppée. Là encore, il lui avait dit sa plainte d’isolé. « Je suis seul, effroyablement seul ! » Là, enfin, le cœur gonflé, palpitante, troublée, elle l’avait aimé. Ils s’étaient fiancés ici : ils y avaient connu