Page:Yver - Un coin du voile.djvu/52

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moire endormie ? Et face à face, silencieusement, ils se contemplèrent tout un moment. Alors éperdue, sans comprendre le regard de ces yeux où elle ne savait plus lire, la jeune femme envahie d’un espoir subit, voulut forcer et violenter cette mémoire engourdie, et elle prononça, à son tour, en saisissant les mains de son mari :

— Louis, Louis !

Et il dit très doucement, très lentement :

— Tu te rappelles… la première fois que je t’ai vue… ici ?…

La parole saccadée par les soubresauts de son cœur, elle dit en s’approchant de lui, le scrutant ardemment :

— Tu te souviens ? Tu me reconnais ? je suis ta femme, tu sais…

Il répéta, comme une caresse.

— Oh ! oui, ma femme, ma chère femme !

Et la prenant aux épaules, avec une tendresse délicate, il la baisa longuement.

Ce fut sous ce baiser qu’elle défaillit. Comme si toute sa force s’était usée dans la lutte, elle n’en avait plus pour soutenir l’afflux soudain