Page:Yver - Un coin du voile.djvu/67

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subi l’offense dont elle parlait. Sa main tomba, ses yeux apparurent, très profonds, très noirs, brûlés de fièvre.

— Voulez-vous me dire votre nom, madame ? demanda doucement l’avocate.

— C’est vrai ! je manque tout à fait de méthode. Mais voyez-vous, il fallait vous faire comprendre d’abord combien le cas est grave, et irrémédiable la rupture. Mon mari s’appelait monsieur de Savy. Nous étions mariés depuis cinq ans. Nous nous aimions. Oh ! il n’y a pas de mots pour dire combien. Vous vous marierez bientôt peut-être, mademoiselle, vous saurez ce qu’est pour une âme jeune un mari beau, supérieur… Non, je vous dis, il n’y a pas de mots… Sachez seulement que notre bonheur était rare ; nous le croyions unique, nous en étions orgueilleux jusqu’à mépriser l’amour des autres couples, monsieur de Savy était souverainement intelligent, d’une intellectualité raffinée. Moi, j’avais conscience de ma valeur, et j’étais surtout heureuse qu’il l’appréciât en moi. J’aime les choses de l’esprit, je lis beaucoup, je me suis occupée plus