Page:Yver - Un coin du voile.djvu/69

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sait. Un de nos amis, que j’appellerai le baron, de dix-huit ans plus âgé que moi et que je connaissais depuis mon enfance, m’inspirait ainsi, par la finesse de son esprit, une admiration vive et je tirais le plus grand agrément de sa société. Lui aussi semblait goûter quelque plaisir à la mienne. Il s’était entièrement consacré à des études scientifiques. Nous avions de longues causeries. Mon mari perça à jour cette sympathie et elle le blessa. Elle le blessa en froissant précisément ce délicat orgueil qui l’amenait à se flatter d’être mon idole. La crise en lui fut d’abord muette, de sorte que le baron et moi continuâmes à nous voir dans la plus parfaite insouciance. La plupart du temps, monsieur de Savy prenait part à nos entretiens, mais bientôt il se contenta d’y assister en témoin, en spectateur.

La pensée de la jeune femme parut faire une halte dans ce passé ; elle s’arrêta une seconde.

— Est-il vrai, poursuivit-elle, qu’une amitié profonde entre homme et femme comporte toujours de l’amour ? Je ne le crois pas. En