Page:Yver - Un coin du voile.djvu/70

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tout cas je jure que ni chez le baron, ni chez moi, il n’y eut jamais un atome de ce sentiment. Mon mari feignit pourtant de le discerner et, quand il me le reprocha, je traitai l’affaire en plaisanterie.

» — Cessons de voir le baron, dit-il alors carrément.

» J’objectai que ce n’était pas possible.

» — Nous briserons, déclara-t-il : mon bonheur conjugal m’est plus précieux qu’aucune considération d’amitié.

» Ce fut alors qu’il sentit se dresser contre lui toute la force de supériorité qu’il avait encensée, adulée, cultivée en moi. Je m’indignai de recevoir de tels ordres. C’étaient les premiers qu’il me donnât, ils étaient trop humiliants. Comment ! Une femme de mon espèce, qui l’égalait en tout point, eût été soumise, comme la première bourgeoise venue, aux rigueurs de l’autorité maritale ? Je sais, mademoiselle… vous allez m’objecter qu’il y a la Loi. Mais cette loi concerne la masse ; elle n’est point faite pour des êtres comme nous ; je n’ai point de scrupules à placer parmi l’excep-