Page:Yver - Un coin du voile.djvu/71

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tion le couple que nous formions. Rien ne me fut plus cruel que de constater le soudain écart qui replaçait mon mari dans les conceptions du vulgaire. Je frémis à l’entendre ordonner. Je l’aimais encore cependant ; par tendresse, j’aurais consenti au sacrifice, s’il m’avait fait une prière au lieu d’un commandement. Le malheur voulut que son emportement viril le dénaturât. Je déclarai que je continuerais à cultiver une amitié parfaitement honnête et belle.

— Il y a combien de temps depuis ces événements ? interrogea l’avocate.

— C’était exactement à cette même époque, l’hiver dernier. Monsieur de Savy fit comme il avait dit. Il s’arrangea pour froisser notre ami : une discussion pénible s’ensuivit, qui devait interdire désormais à cet homme la fréquentation de mon salon. Je semblais vaincue : je ne l’étais pas. L’acte de mon mari me paraissait odieux, et tout élan vers lui me devenait impossible. Ma rancune annulait en moi jusqu’aux puissances de l’habitude issues d’un long amour. Il souffrit et j’en fus charmée. Quant