Page:Yver - Un coin du voile.djvu/81

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À mesure que leur amitié croissait, Marguerite sentait comme une rancune personnelle contre le mari. Elle appelait contre lui les sanctions de la loi. Elle, si douce, souhaitait de le flétrir à l’audience. Plus elle aimait sa cliente, plus les rudesses dont celle-ci avait souffert l’indignaient. Parfois madame de Savy l’amenait chez sa mère, boulevard de Courcelles. Dans ce milieu ouaté de luxe, d’une tiédeur d’aristocratie, dans l’atmosphère des calorifères, des fleurs rares, des parfums distingués, elle s’épanouissait à l’aise, elle devenait une petite princesse de l’esprit. Souvent quelques invités étaient réunis. L’avocate de madame de Savy jouait alors le premier rôle. Ces gens du monde l’examinaient curieusement, avides d’un mot de sa bouche. Parlait-elle ? on se taisait. Son enjouement spirituel ravissait les vieilles personnes. Chaque fois, c’étaient de nouvelles conquêtes. Ah ! il y aurait un bel auditoire pour l’entendre, le jour où le procès de la maîtresse de maison viendrait devant la première du Tribunal !

Plus d’une fois elle pressentit les velléités