Page:Yver - Un coin du voile.djvu/87

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dis que je me sens avoir perdu toute celle que je me croyais. Je suis maintenant un pauvre homme, mademoiselle, et je ne sais comment j’ose, conscient de mes fautes comme je le suis, prétendre en éviter les conséquences. Mais ce que j’endure est au-dessus de mes forces. Je ne suis plus digne de ma femme, mais je ne puis vivre sans elle.

Il se recueillit un instant et Marguerite vit ses traits se contracter, comme à un souvenir par trop douloureux ; puis il reprit :

— Le sang d’un homme a parfois des violences que ne comprendra jamais sa compagne… Jamais je n’ai méconnu le cœur de ma femme. Jamais je n’ai cessé de l’admirer comme la créature la plus accomplie, la plus au-dessus d’une banale tentation. Pourquoi, direz-vous, l’approche d’un homme qui possédait ma plus parfaite estime me porta-t-elle alors ombrage ? C’est que, mademoiselle, notre mariage avait noué entre nous, outre les liens ordinaires, ceux plus mystérieux de l’esprit. Nos intelligences étaient éprises l’une de l’autre. J’aimais la belle et pure pensée de ma femme, et la