Page:Yver - Un coin du voile.djvu/88

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mienne s’efforçait à lui être sans cesse agréable. J’attisais les lumières sous ce beau front, je les nourrissais de ma propre flamme. Toutes les idées qu’elle formulait, je crois pouvoir affirmer qu’originellement, sans le savoir, elle les avait conçues de moi. Je ne saurais dire quelle fierté je tirais d’un pareil commerce. Cette direction que j’exerçais sur ma femme m’ennoblissait de toute la grandeur d’une telle épouse.

» Un jour, je reconnus en elle une empreinte étrangère. Un autre esprit, qui m’était supérieur en tous points, l’avait séduite. Alors que nos préoccupations communes touchaient jusqu’ici aux objets les plus divers et qu’ensemble nous prenions intérêt à tout, ma femme devint soudain exclusivement « scientifique ». Il y avait en cette âme, souple comme une cire, une autre influence, le coup de pouce créateur qui n’était pas de moi. Et c’est tout. Elle ne fît pas autre chose que se plaire intellectuellement aux propos d’un homme qui ne fut jamais à ses yeux qu’un savant. J’en ai souffert abominablement. Et c’est quand ce chagrin m’exaspérait qu’elle se révolta contre moi !