Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/171

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Un nuage d’amertume, tout à coup, voilà le front du roi. Une lassitude soudaine brisa cet enthousiasme. Louis retomba dans son fauteuil en murmurant :

"À quoi bon ? Ils ont tué mon père ; ils me tueront !"

De l’autre côté de la petite porte secrète, à ce moment l’empoisonneuse se redressa, se recula, silencieuse, invisible, ombre qui s’incorporait aux ténèbres. Elle en avait assez entendu. Elle en savait assez. Léonora Galigaï, lentement, regagnait son appartement. Elle songeait :

"Capestang ? Qu’est-ce que Capestang ? Voici la deuxième fois que cet homme se met en travers de ma route. Qui est-il ? Concino le hait. Moi, je ne le hais pas, mais je le tuerai".

Dans la chambre royale, Louis était retombé dans son fauteuil ; le doute lui brisait les ailes ; il n’avait pas peur ; seulement, la sombre résignation de ceux qui se savent condamnés venait de s’appesantir sur ce cerveau timide.

"Ils me tueront comme ils ont tué mon père.

— Allons donc, sire ! Avant de vous atteindre, leur bras se desséchera. Défendez-vous, sire !

— Me défendre ? Oui, certes. Dès demain, j’ordonne une enquête.

— L’enquête, sire ? Faites-la vous-même. Que nul ne sache ! Que vos ennemis ne se doutent pas que vous avez revêtu la cuirasse et que vous vous armez en guerre ! Écoutez, regardez, veillez, fouillez les yeux et l’âme de qui vous approche ! Et quand vous saurez, frappez comme frappe la foudre, sans prévenir ! D’ici là, gardez-vous !"

Louis, de nouveau, sentait son cœur battre, et l’ange des batailles le touchait de son aile.

"Pourtant, reprit-il, hésitant encore, si, je devine autour de moi quelque danger terrible.

— Alors, appelez-moi, sire ! Par les plaies, par l’épine, par les clous de la Croix, je jure que, moi vivant et présent, le roi de France est invulnérable !"

Le mot était ridicule ou sublime ; il était d’une basse vantardise ou d’une hautaine conscience de force. Il électrisa le roi qui, deux heures avant ou deux heures plus tard, en eût souri. Louis, deux fois sauvé par Capestang, Louis qui venait d’échapper à la mort, Louis qui avait assisté à l’épique aventure de cet homme bousculant tout le Louvre pour arriver jusqu’à lui. Louis leva les yeux sur l’aventurier, il le vit étincelant d’audace, pétillant de malice, superbe de geste et d’attitude. Il frémit, et sa voix toujours si nonchalante vibra comme tout à l’heure quand il avait crié : « À la rescousse ! »

"Eh bien, oui ! J’ai foi en vous ! Oui, vous me sauverez, vous ! Dès cet instant, je veux vous confier les secrets d’Etat qui font ma tête si lourde et mon cœur si tremblant, je veux vous désigner les ennemis qui, de tous les horizons de la conspiration, rampent vers mon trône.