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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/192

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Le joueur dont la bille portait le chiffre inscrit dans le godet avait gagné : la tenancière lui remettait soixante et une pistoles – et gardait les neuf autres. Il en résultait que, si un joueur pouvait avec une seule pistole en gagner soixante, la tenancière était sûre d’en gagner neuf à chaque partie sans avoir rien risqué. (Note de l'auteur)</ref> près de laquelle était assise une dame toute souriante : c’était la maîtresse de céans.

Le chevalier s’approcha de la jolie maîtresse de maison, et fit ce qu’il venait de voir faire à un joueur : il tira d’une urne d’argent une bille d’ivoire et déposa, non sans un serrement de cœur, sa pistole, sa dernière et unique pistole dans un plateau.

Puis il attendit en se promenant à travers le salon. Il regarda sa bille, elle portait le numéro dix-sept.

Il attendit une demi-heure, s’absorbant déjà dans quelque rêverie à la poursuite de Giselle, lorsqu’un mouvement se fit dans le salon ; tout le monde se porta vers le billard : la tenancière lança la boule, qui bondit sur le billard et, au bout de quelques tours et détours, tomba dans l’un des godets.

"Messieurs, dit la tenancière, vous pouvez voir que le numéro dix-sept a gagné.

— Corbacque ! fit le chevalier émerveillé, comment n’ai-je pas songé plus tôt à ce moyen de faire fortune ?"

Autour de lui éclatait cette rumeur qui suivait chaque partie, un murmure d’envie, des cris de rage ou de désespoir.

"Le dix-sept ! gémissait un officier des gardes. Je l’ai joué trois fois de suite sans gagner, et je viens de le quitter ! Ah, la peste du dix-sept ! Ah, rufian de dix-sept !

— Monsieur, de grâce, supplia une voix féminine, ne reprenez pas le dix-sept. Laissez-le-moi !"

En effet, le joueur qui venait de gagner avait le droit de garder sa ou ses billes pour la partie suivante.

"Volontiers, madame", dit Capestang, qui déposa sa bille sur le plateau.

La femme s’en empara avidement et paya une pistole, tandis que Capestang comptait ses soixante pièces d’or. Les billes furent remises dans l’urne. Le silence se rétablit. Il n’y eut plus que le murmure des conversations. À ce moment, deux joueurs échangeaient quelques mots à voix basse en examinant le chevalier. Puis l’un d’eux sortit précipitamment ; l’autre alla s’asseoir près d’une jeune fille remarquablement jolie qui, de son côté, essayait en vain d’attirer l’attention de Capestang : il plongea de nouveau sa main dans l’urne, et en tirait une nouvelle bille : elle portait le numéro vingt-cinq.