Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/26

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tous pourvus de la même plume rouge – jusqu’aux bottes, toutes en cuir fauve. Il y avait là de quoi habiller cinquante hommes.

"Est-ce donc ici la friperie diabolique des gnomes et lutins ? Beaux costumes !… Que ne suis-je un de ces farfadets auxquels ils sont destinés ! (Capestang s’approcha et décrocha un manteau.) Superbe manteau de velours, bien fourré de soie ! Bah ! le mien n’est doublé que de toile bise, mais je t’aime mieux, mon vieux manteau, compagnon fidèle des heures de pluie et de bourrasque… Quant à ce pourpoint (il décrochait le pourpoint en question), j’avoue qu’il est intact, que dis-je ! tout neuf, tandis que le mien porte autant d’entailles qu’en pouvait porter celui de Roland quand ce héros mourut à Roncevaux, ainsi que je l’ai lu parmi ces fabliaux et chansons de gestes que possédait madame ma mère. Je regrette que ce pourpoint ne soit pas à moi."

Capestang poussa un soupir, raccrocha le vêtement, qui était élégant et solide, tel qu’il convient à un gentilhomme partant pour quelque expédition, puis il le décrocha de nouveau et tomba dans une méditation admirative.

"Je ne me souviens pas, dit-il, avoir jamais porté un pourpoint neuf ; ceux que me confectionnait madame ma mère étaient taillés dans les vieux pourpoints du chevalier mon digne père. C’est curieux. Tous ces pourpoints se ressemblent. Et si j’en essayais un ? Où serait le mal ? Il me semble qu’on doit éprouver quelque émotion à se draper de neuf. Émotion précieuse que je ne connais pas encore..."

Cinq minutes plus tard, après deux ou trois essais, le jeune homme avait revêtu l’un des pourpoints ; il lui seyait à merveille. Religieusement, il accrocha son vêtement troué, déchiré, à la place de celui qu’il venait de prendre.

"Ah ! on respire là-dedans ! Il me paraît que je vaux vingt pistoles de plus. L’émotion est assez agréable... Si je continuais, pour voir ?"

D’essai en essais, d’émotion en émotion, Capestang se trouva bientôt habillé de neuf depuis le feutre à plume rouge jusqu’aux bottes de cuir fauve montant au-dessus des genoux.

"Je remettrai tout cela en place, en m’en allant, fit-il. Pour quelques minutes, je veux pouvoir regarder dans un miroir ma propre image ainsi parée. Non, Capestang tu n’es plus toi. Tu n’oseras pas te reconnaître. Et tu te salueras comme un prince. Un prince ? ajouta-t-il avec un sourire dépourvu d’amertume, mais non de mélancolie... pauvre, sans sou ni maille, gueux comme le Job des Saintes Écritures, puisque j’ai perdu ma bourse, je n’ai pas même de quoi apaiser la faim et la soif dont l’une me tenaille le ventre et l’autre m’assassine la gorge..."

En parlant ainsi, le chevalier ouvrait une deuxième porte. Il demeura ébahi, les yeux