Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la voix. Concini écumait. Les spadassins trépignaient d’impatience. Capestang était une insulte vivante. Au haut de son escalier, les mains crispées à la rampe de bois, penché jusqu’à en tomber, dans cette sorte de gloire dont l’enveloppaient les rayons du soleil levant, il apparaissait farouche, indomptable, et, débridé, livré à lui-même, jugeant inutile toute retenue de gestes puisqu’il fallait mourir, il exagérait encore sa frénétique attitude de matamore qui défie une armée.

"Allez !" dit Concini dans un grognement bref et rauque.

Et il eut le geste du piqueur qui lâche les chiens pour la curée. Les spadassins se ruèrent, non sans ordre, établissant une méthode instinctive de l’assaut, Rinaldo et Pontraille, en tête. Derrière, Bazorges et Louvignac, Chalabre et Montreval venaient ensuite. Puis une dizaine des sacripants qui avaient été embauchés.

"Vivant ! Prenez-le-moi vivant ! tonna Concini.

— Tête-gris ! – Corbleu ! – Mort-Diable ! – Ventre du pape ! – Tripes du diable !" hurlaient les assaillants qui montaient en s’excitant.

Ils montaient, l’œil sanglant, la bouche grande ouverte ; ils montèrent en masse, le long de l’escalier, pareils à une monstrueuse bête hérissée de pointes d’acier. Ramassé sur lui-même, la pointe en avant, rugissant, le chevalier les attendait. Brusquement éclata là-haut une rumeur de grognements, de grondements, de cris entrechoqués, de jurons, d’insultes, les assaillants arrivés aux dernières marches se ruaient ! D’en bas, Concini vit le choc et trépignant, oubliant sa recommandation de le prendre vivant hurlait :

"Tue ! Tue ! bravo, Pontraille ! Taïaut, Rinaldo ! Sus, sus ! Louvignac, Bazorges ! Montrez vos crocs, mes braves ! Mille écus d’or à qui m’apporte sa carcasse ! Oh ! ah ! lâches ! lâches !"

Que se passait-il ? Il se passait que, parvenus à l’endroit le plus resserré de l’escalier, les assaillants avaient voulu foncer tous à la fois ! Il se passait que Capestang, avec son immense et fulgurante rapière, coup sur coup avait fourragé dans ce tas de chair humaine ! Que le sang giclait, en même temps que des hurlements plus féroces ! Que trois des premiers étaient blessés et voulaient se retirer de la bagarre, et que, dans leur descente éperdue, ils entraînaient tout le reste jusqu’au palier de l’étage !

"Lâches ! Couards ! rugissait Concini. En avant ! Sus ! Sus !"

Rinaldo, entraîné par les autres, avait dégringolé lui aussi jusqu’au palier. Mais c’était un brave que Rinaldo. Il n’avait pas peur d’une bonne saignée, dût la mort s’ensuivre. Et puis il était vraiment dévoué à son maître. Et puis, il haïssait Capestang de toutes ses forces. Il se pencha une seconde et cria d’une voix presque paisible :

"Patience, monseigneur, je vous l’apporte !"