Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/325

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ni par le feu, ni par l’eau, ni enfin par aucune mort exigeant l’intervention humaine.

— Et cela est bien vrai, dit Marie de Médicis, puisqu’elle s’est sauvée de la Seine où elle a été jetée. Mais comment faire, alors ?

— J’ai trouvé le genre de mort qui convient, et qui ne convient peut-être qu’à elle seule.

— Et de quoi veux-tu la faire mourir ?

— DE DOULEUR", répondit Léonora.

La reine mère eut un sursaut de terreur sous ce mot qui tomba des lèvres de Léonora. Elle considéra la Galigaï comme l’ange du mal et, joignant mains elle murmura :

"Ceci est horrible, Léonora. Je n’ai jamais hésité, tu sais, quand il s’agissait d’intérêts supérieurs. J’ai employé tour à tour le poison et le poignard. C’est moi qui ai donné l’ordre à Lux et à Brain de jeter cette fille à la Seine. Tu vois. Mais faire mourir une créature par douleur, il me semble, Léonora, que tu usurpes les armes réservées à Dieu seul."

Elle se signa avec une sincère dévotion et, rapidement, murmura une prière.

"Nous n’avons pas le choix, reprit Léonora, glaciale et formidable. Les astres ont parlé. Quant à moi, j’aimerais mieux croire qu’il n’y a pas de soleil au ciel, plutôt que de supposer que la science de Lorenzo peut être en défaut. J’ai eu mille preuves de son infaillibilité. Et cette dernière encore vient s’ajouter aux autres : que Giselle a échappé à la mort par l’eau. Or, madame, les astres disent que nous ne pouvons la faire mourir par aucun des moyens qui exigent l’emploi de la main humaine. Sans quoi, c’est sur Concino que retomberait le sang versé. Donc, ou Giselle mourra par un moyen ordinaire et Concino entrera dans la mort en même temps qu’elle, ou elle ne mourra pas, et Concino sera à jamais lié à elle par son amour.

— Assez, Léonora, assez. Il faut nous conformer aux ordres des puissances supérieures. Mais explique-moi comment cette fille pourra mourir de douleur, et quel genre de douleur tu verseras en elle.

— C’est à l’âme et non au corps qu’il faut frapper Giselle d’Angoulême. Depuis la nuit où j’ai pu m’emparer d’elle, j’ai passé des heures, quelquefois des jours entiers à l’étudier. Elle est de celles qui se donnent une fois, une seule fois dans leur vie, mais qui se donnent tout entières. Sa pensée, son âme, un jour, elle les a données, et c’est fini. Elle aime. Et son amour, à elle, n’est pas comme chez vous, chez moi, chez toutes, une partie de sa vie. C’est toute sa vie. Giselle n’a qu’une raison de vivre : son amour. L’amour est le piédestal de sa vie. Brisé le piédestal, la statue tombera et se brisera.

— C’est là une étrange fille, Léonora, fit la reine pâle de jalousie.