Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/349

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bientôt elle remarqua qu’il se faisait dans l’hôtel un mouvement extraordinaire. Annette, envoyée une deuxième fois à la découverte, revint en annonçant qu’on préparait chez monsieur le maréchal une de ces somptueuses fêtes dont il avait le secret, et que ce délassement aurait lieu dans trois jours. Marion ne dit rien mais ses beaux yeux brillèrent : elle tenait son plan. Dans la matinée, donc elle partit en recommandant à la soubrette de surveiller ce qui se passerait dans l’hôtel d’Ancre. Le soir venu, elle ne rentra pas. Le lendemain et le surlendemain, Annette ne la revit pas davantage. A sa place arriva, vers le soir, un costume digne d’une princesse.

Vers sept heures, Marion rentra enfin, et aux questions de la soubrette, répondit simplement : « Habille-moi. » Marion avait passé ces trois jours d’abord à se faire faire une toilette, et ensuite à se procurer une invitation à la fête de Concini – invitations qu’on se disputait, il faut le dire, et qui furent cause d’innombrables duels. Toujours est-il que vers neuf heures, au moment où les carrosses commençaient à affluer devant l’hôtel illuminé, Marion, le visage caché d’un masque de soie bleu, fit son entrée chez Concini, donnant la main à un jeune seigneur qui lui servait de cavalier.

Une fois qu’elle eut suffisamment laissé admirer sa splendide et toute gracieuse toilette, vers l’heure où la fête battait son plein, elle se couvrit d’un grand manteau de satin bleu, à capuchon, et dit au seigneur qui l’escortait :

"Vous êtes, mon cher, un charmant cavalier, et je vous dois mille grâces pour m’avoir introduite dans cette belle fête. Seulement, vous allez me laisser seule... Oh ! inutile de protester, je commence par vous dire que c’est pour moi question de vie ou de mort. J’ajoute ensuite que si vous révélez à qui que ce soit la présence de Marion Delorme dans cet hôtel, il est probable que vous m’aurez tuée. Enfin, sachez aussi que si vous cherchez à me suivre à travers ces salles, si vous n’oubliez pas complètement qui je suis, vous serez cause des plus grands malheurs."

Le cavalier de Marion était galant homme. Ne l’eût-il pas été que l’accent étrange, grave, tragique de son interlocutrice l’eût profondément impressionné.

"Madame, dit-il en s’inclinant, taire votre nom me serait facile ; mais ne pas vous suivre me serait bien difficile, et oublier votre présence tout à fait impossible. Aussi je ne vois qu’un moyen de vous obéir : c’est de m’en aller. Dans cinq minutes j’aurai quitté l’hôtel."

Là-dessus, Marion, avec un geste de reine, lui donna sa main à baiser ; et quelques instants plus tard, le digne gentilhomme se retirait en effet. Alors, Marion se mit à errer jusqu’à ce qu’elle eût trouvé et reconnu celle qu’elle cherchait, c’est-à-dire Léonora Galigaï.