Aller au contenu

Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

"Tenez, mon ami", dit-il alors en offrant un écu au misérable gueux.

Cogolin vit luire la pièce d’argent. Il trembla. Ses yeux se troublèrent. Il la saisit enfin et baissa la tête en pleurant.

"Pauvre diable ! murmura le jeune homme.

— Monsieur, fit Cogolin, comment vous remercier ? Vous me sauvez la vie.

— C’est moi, au contraire, qui doit vous remercier, dit l’inconnu. Je suis honteux de vous offrir si peu de chose pour la pose à laquelle vous vous êtes soumis de si bonne grâce.

— Votre nom, monsieur, je vous en prie, pour que je puisse le bénir.

— Ma foi, j’ai grand besoin, en effet, de bons souhaits, puisque j’entreprends un long, bien long voyage. Tel que vous me voyez, je viens de Nancy, en Lorraine, et m’en vais jusqu’à Rome. Vous m’avez dit votre nom, mon brave ; la politesse veut donc que je vous dise le mien : je m’appelle Jacques Callot."

Ayant fait un geste amical à Cogolin, le futur auteur des Bohémiens,des Misères de la guerre, des Hideux et des Gueux s’éloigna et bientôt disparut.


.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..


Cogolin, serrant frénétiquement dans sa main l’écu qui, réellement, lui sauvait la vie, se remit en marche et entra tout droit dans le premier cabaret qu’il trouva sur son chemin. Ce cabaret était situé à l’angle de la rue des Lombards, c’est-à-dire sur le carrefour formé par cette rue et celles des Arcis et Saint-Martin, c’est-à-dire sur les endroits les plus fréquentés de Paris. Il portait en enseigne un homme vêtu de noir comme un commissaire, et s’emparant d’un sac d’écus – avec cette exergue : Au Borgne-qui-prend.

Le borgne, c’était le commissaire de l’enseigne. Sur la gauche de ce cabaret s’ouvrait un hangar d’assez vastes dimensions qui, pour le moment, se trouvait vide.

Cogolin s’assit à une table, plaça devant lui, en évidence, l’écu qui répondait de lui, commanda du pain et du vin, des œufs et du jambon, et se mit à dévorer. Lorsque les œufs et le jambon eurent été engloutis, Cogolin s’aperçut qu’il avait encore faim et commanda bravement qu’on lui servit un des poulets qui rôtissaient devant la haute flamme d’une immense cheminée. Lorsque le poulet eut été réduit à l’état de squelette parfaitement nettoyé, Cogolin s’aperçut qu’il avait encore soif et demanda