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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/399

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bec d’oiseau de proie. Ses lèvres ricanent. La jalousie gronde dans cet esprit. Parfois, il se penche sur le jeune roi et, d’une voix ardente, où passe l’âpre souffle des ambitions et des batailles :

"Ah ! sire, si vous vouliez ! Quelle chasse ! Quelle belle chasse ! Prenons vos gardes françaises, sire ! Prenons les suisses. Prenons les Corses de M. d’Ornano et en chasse ! Je me charge de daguer la bête !

— Sire, gronde de son côté Ornano en tordant sa rude moustache, c’est l’esprit des batailles qui se déchaîne. Quand vous voudrez, nous tirerons l’épée !"

Le jeune roi se détourne à demi. Un éclair brille dans ses yeux. Peut-être va-t-il donner un ordre !

"Non, sire ! dit une voix près de lui. Arrêter ce soir M. de Guise, c’est recommencer la Ligue, c’est la guerre civile et, finalement, les barricades ! Du calme, sire, de la patience, de la modération ! De la politique ! Et un jour nous abattrons ces orgueilleux hobereaux. Attendons, sire ! Attendre, c’est la force des rois, et cette force-là ressemble à celle de Dieu qui a pour lui l’éternité !"

Le jeune roi courbe la tête, déjà dominé par cette voix qui le dominera toute sa vie. Cette voix, c’est celle de Richelieu ! Luynes se retire en sifflant entre les dents une fanfare de chasse. Ornano recule de quelques pas en grommelant un juron corse. Richelieu, sûr d’être écouté, s’éloigne d’un pas lent et majestueux, et souple, écoutant, regardant, échafaudant des pensées lointaines de suprême despotisme. Dans l’antichambre, il se heurte à un personnage tout de noir vêtu qui s’incline devant lui et murmure :

"Monseigneur, Marion Delorme et M. de Cinq-Mars viennent de rentrer dans Paris."

Richelieu tressaille. Richelieu pâlit. Adieu, pensées de politique et d’ambition dévorante.

"Viens ! dit-il. Viens !"

Et tous deux, l’évêque et l’homme noir, Richelieu et Laffemas, descendent l’escalier en toute hâte. Au bas de l’escalier, ils croisent un gentilhomme qui s’arrête, les salue, les regarde s’éloigner, puis se met à monter : c’est Rinaldo. Et Rinaldo a jeté sur Laffemas un étrange regard. Espion, la fortune rapide de cet autre espion lui porte peut-être ombrage !


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Dans la salle, outre le roi, Ornano et Luynes, qui se tenaient dans l’embrasure assistant au délire de Paris, il y avait quelques gentilshommes. Vitry, près de la porte, l’épée à la main,