Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/406

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— Qui l’a fait enlever ? Où la conduit-on ? Parle. Tu as une minute pour te décider. Dans une minute, je le jure sur mon père mort, je te tue comme un chien enragé si tu ne dis tout "!

Le jeune homme tremblait de fureur et de désespoir. On entendait claquer ses dents. Laffemas songeait :

"Si j’avoue, Richelieu va me tuer. Si je n’avoue pas, celui-ci va me poignarder. Au moment où j’allais assurer mon avenir ! Malédiction sur moi, sur Richelieu, sur Cinq-Mars ! mourir maintenant ! Oh ! l’affreuse damnation !

— Décide-toi !" dit Cinq-Mars.

Son bras se leva. L’acier jeta un éclair dans l’ombre : un éclair moins sinistre que le sourire qui tout à coup illumina la face de l’espion.

"Je ne puis rien vous dire, fit-il.

— Soit ! Tu vas crever ici, chien !

— Mais je puis vous conduire ! reprit Laffemas.

— Tu peux me conduire ? haleta Cinq-Mars.

— Et vous faire entrer dans la maison même où se trouve Marion Delorme.

— Si tu fais cela, je t’enrichis, je te couvre d’or, entends-tu ?

— Eh bien, venez ! De l’or ? Pour un peu d’or, j’ai fait enlever celle que vous aimez. Puisque vous me promettez beaucoup plus d’or que je n’en ai reçu, je ne vois pas pourquoi je ne vous la rendrais pas."

Ils se mirent en route. Cinq-Mars grelottait. Il avait la tête en feu. Il ne savait ni ce qu’il faisait ni où on le conduisait. Seulement, il serrait convulsivement le bras de Laffemas. Ils arrivèrent et s’arrêtèrent devant un vieil hôtel.

"C’est ici ! dit Laffemas.

— Allons !" répondit Cinq-Mars fébrile.

Si Laffemas lui avait montré une fournaise, il serait entré dans la fournaise. L’espion souleva le marteau de la porte, qui s’ouvrit. Ils entrèrent tous deux dans un beau vestibule du rez-de-chaussée.

"Où sommes-nous ? demanda Cinq-Mars.

— Chez monseigneur l’évêque de Luçon, dit Laffemas. Vous voyez que la belle ne court aucun danger."

Cinq-Mars grinça des dents.

"Richelieu ! fit-il dans un affreux éclat de rire. J’aurais dû m’en douter. Conduis-moi chez ton maître. Allons ! Pas d’hésitation ! Ou je tue tout ici ! Toi le premier !

— Venez, dit Laffemas. Monseigneur va vous recevoir tout de suite."

Il ouvrit une porte. Cinq-Mars entra ; il n’avait pas fait deux pas dans la pièce où il venait de pénétrer qu’il entendit derrière lui la porte se refermer. Il se retourna : Laffemas n’y était plus ! Cinq-Mars se rua sur la porte, la laboura à coups de poignard, s’y meurtrit les mains, s’y ensanglanta les ongles ; il déchira les tentures ; il frappa sur les murs ; il poussa