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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/408

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maître, Mgr le maréchal d’Ancre, je vous prie de croire que je n’aurais pas eu trois heures de patience.

— Vous m’avez attendu, monsieur le comte ? balbutia Laffemas en louchant vers les sbires qui caressaient doucement leurs moustaches d’un air indifférent. C’est trop d’honneur que vous me faisiez.

— Bah ! bah ! Une fois n’est pas coutume, dit Rinaldo.

— Et sans doute, vous aviez quelque bonne nouvelle à m’annoncer ? fit Laffemas avec sang-froid.

— Une excellente. Je voulais vous dire que mon illustre maître et seigneur le maréchal d’Ancre a remarqué le zèle avec lequel vous servez M. le duc de Richelieu. Il vous a vu rôder autour du Louvre, dans le Louvre, autour de l’hôtel Concini, enfin, partout, on ne voit que vous, et M. le maréchal a pensé que vous feriez un espion di primo cartello ; il veut donc vous avoir à son service."

Rinaldo parlait très gravement. À cette ouverture imprévue, Laffemas se rassura. Un moment, il avait redouté que ces gens n’eussent quelque mauvaise intention. Il salua donc d’un air de profonde humilité.

"Monsieur le comte, dit-il, c’est un bien grand honneur que me fait l’illustre maréchal.

— D’accord ! Et une situation magnifique : logé, nourri, plus de soucis, à l’abri du froid et du chaud. Corpo di Cristo ! Il y a longtemps que je cherche tout cela, moi ! Mais voilà, c’est sur vous que monseigneur a jeté les yeux. Les grands sont capricieux, vous savez.

— Malheureusement, et à mon grand désespoir, je me vois contraint de refuser l’honorable poste de confiance que l’illustre homme d’État qui dirige le royaume veut me confier.

— Ah ! monsieur de Laffemas, fit Rinaldo d’un ton de reproche, ici nous ne sommes plus d’accord.

— Que voulez-vous dire ? murmura Laffemas, qui sentit un rapide frisson lui courir sur l’échine.

— Je veux dire que je suis chargé de vous conduire en un hôtel magnifique, où vous serez logé comme un prince, nourri comme un évêque. Monsieur de Laffemas, connaissez-vous le sceau royal ?"

Et tout à coup Rinaldo mit sous les yeux de Laffemas livide un parchemin orné en effet du sceau et de la signature du roi. C’était un ordre d’arrestation !

"Vous m’arrêtez ! bégaya Laffemas.

— Vous avez la tête dure, monsieur de Laffemas. Il y a une heure que je vous le dis. Allons, suivez-moi sans esclandre, ni scandale.

— Soit ! fit Laffemas en jetant autour de lui un sombre regard. Où me conduisez-vous ?

— À la Bastille, mon cher. Ni plus ni moins qu’un prince de Condé.