Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/409

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Plaignez-vous ! Vous serez... Holà ! Ah ! briccone ! Ah ! per Dio santo ! Arrête ! arrête !"

Laffemas venait de s’élancer droit devant lui, tête baissée, bondissant, se faufilant parmi les passants avec la dextérité rapide d’une anguille. Rinaldo, de loin, le vit tout à coup s’engouffrer à gauche, dans une maison devant laquelle stationnait une petite foule de badauds.


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Laffemas avait couru à perte d’haleine ; il détalait à bonds frénétiques, guidé par cette messagère habile qui s’appelle la peur. Un regard derrière lui, et il vit que Rinaldo et ses sbires accouraient, au loin. Un regard sur sa gauche, et il vit des gens rassemblés en grand nombre dans une sorte de hangar. Il eut ce raisonnement rapide qu’il pouvait faire un plongeon dans cette foule et s’y perdre. Sans hésiter, il entra. Fébrilement, il tira ses tablettes et écrivit :

"Concino me fait mettre à la Bastille. - Laffemas."

Il tendit le papier et un écu d’or à un gamin, et lui dit :

"Porte cela quai des Augustins, chez l’évêque de Luçon, et tu auras dix fois ce que je te donne."

Le gamin, ébloui, partit comme une flèche. Laffemas se glissa dans la foule. À ce moment, à la porte du hangar, il vit la tête de Méduse, la tête de Rinaldo ! Les yeux flamboyants de Rinaldo le cherchaient !


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Ce hangar se trouvait à l’encoignure de la rue des Lombards et faisait partie des dépendances du Borgne-qui-prend. Ce hangar, c’était la salle de spectacle où la société Turlupin, Gros-Guillaume et Gautier-Garguille, augmentée de Cogolin, dont le rôle était de recevoir des coups de trique, donnait ses représentations. Cette foule, c’étaient les spectateurs qui, à grands éclats de rire, assistaient à une farce intitulée : Le Cocu battu et content.

Laffemas aperçut, disons-nous, à l’entrée du hangar, la tête de Rinaldo, et, derrière, les têtes de ses sbires. Un moment, il demeura pétrifié, avec cette angoisse spéciale que l’on éprouve dans ces cauchemars où l’on fait de vains efforts pour fuir. Puis l’épouvante brisa ces liens mêmes, et, parmi les spectateurs tous debout, de rang en rang, il se glissa, se faufila vers les tréteaux. Fuir ! Où fuir ? Comment fuir ?

Voici Rinaldo qui entre ! Voici Rinaldo qui vient à lui ! La misérable créature essuie son front où s’égoutte la suée gluante et glacée que distille l’horreur. La Bastille ! Oh ! il la voit ! Il voit l’oubliette où il sera précipité ! Il se voit agonisant au fond de quelque trou immonde. Où fuir ? Oh ! là ! dans ce recoin ! Cette échelle !... Où conduit-elle ? Il ne sait pas. Peu importe, Laffemas monte ! Et c’était le moment où les spectateurs trépignaient de joie enfantine en attendant la