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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/436

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deux ! Maintenant, allez, monseigneur, je vous suis !"

Et Capestang rengaina son poignard !...

Richelieu sortit du cabinet. Par un héroïque effort, il commanda à son visage de n’exprimer plus qu’une parfaite indifférence, un souverain dédain ; d’un pas ferme, il marcha dans un couloir éclairé jusqu’à la porte de la chambre où était enfermée Marion Delorme. Richelieu ouvrit la porte !

Marion était là, tout habillée. Depuis l’instant où on l’avait entraînée dans cette chambre, elle ne s’était pas déshabillée une fois !... Elle vit Richelieu ! Elle vit Capestang ! Et elle comprit ce qui venait de se passer ! Elle se leva, et, sans un mot, d’un mouvement de grâce charmante et fière, alla prendre le bras de Capestang.

"Monseigneur, dit le Capitan d’une voix calme, faites ouvrir à madame la porte de votre hôtel, et accompagnez-la jusque sur le quai."

Richelieu descendit.

"Madame, reprit le Capitan, veuillez pour le moment ne pas me tenir le bras : j’ai besoin de toute ma liberté de mouvement."

Marion obéit. Son cœur sautait dans son sein. Elle tremblait convulsivement - peut-être de terreur devant cette scène paisible qui dégageait de l’effroi, près de ces deux hommes si tranquilles qu’escortait la mort - ou peut-être d’admiration et d’amour ! Le suisse était près de la porte. Un coup d’œil incisif plongea, Richelieu inspecta la loge : il avait espéré que là... mais la loge du suisse était vide.

"Ouvrez !" dit-il d’un ton bref.

Le suisse s’empressa, bien loin de supposer qu’il jouait là un rôle dans une tragédie effrayante.

"Monseigneur, dit Capestang, accompagnez-nous jusqu’au-delà du pont. Simple précaution."

Richelieu se mit à marcher. Le Pont-Neuf franchi, il s’arrêta.

"Jusqu’à la place de Grève, monseigneur !"

Et Richelieu marcha jusqu’à la place de Grève. Là, il s’arrêta comme il avait fait après le Pont-Neuf. Capestang s’arrêta aussi. Il souleva son chapeau, s’inclina devant l’évêque, profondément :

"Monseigneur, dit-il, vous êtes libre. Je vous dis adieu. Mais avant de vous quitter, laissez-moi ajouter un mot : je vous admire, monseigneur, et vous pouvez m’en croire, l’admiration d’un homme tel que moi vaut la peine d’être agréée par un homme tel que vous. Dans la vie d’enivrante puissance qui vous attend, monseigneur, sans doute vous aurez à accomplir bien des besognes terribles. Peut-être le remords viendra-t-il parfois tourmenter votre sommeil. Alors, monseigneur, songez qu’une nuit vous avez rendu une femme à celui qui l’aime et, croyez-moi, le souvenir de cette nuit où