Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/437

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votre orgueil a souffert sera peut-être le baume consolateur de vos amertumes et l’exorcisme qui chassera les spectres rassemblés autour de vos rêves."

Richelieu ne dit pas un mot. Hautain, immobile, tout droit, il regarda Capestang et Marion Delorme s’enfoncer dans la nuit. Que pensait-il ? Nul n’eût su le dire !


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Capestang et Marion Delorme parvinrent rapidement à la porte de l’hôtel de Cinq-Mars. Aux demandes multipliées, aux mille questions de Marion, l’aventurier n’avait répondu qu’évasivement.

"Maintenant, ajouta-t-il lorsqu’ils furent arrivés, faites atteler vos chevaux les plus rapides à votre chaise la plus légère, montez-y avec ce cher marquis et fuyez. Tant que vous n’aurez pas mis une centaine de lieues entre vous et Richelieu, votre existence à tous deux fera doute pour moi.

— Fuir ! murmura Marion. Quitter Paris que je voulais conquérir !

— Eh ! corbacque, ce ne sera qu’une ruse de guerre, une retraite ! Vous reviendrez quand l’orage ne grondera plus sur vos têtes. Allons, madame, vous qui êtes si brave dans l’attaque, soyez-le aussi un peu pour la retraite. Un mot encore ! renvoyez-moi mon Cogolin que j’ai oublié chez vous.

— Adieu donc ! murmura Marion en tremblant. Vous reverrai-je jamais ?

— Qui sait ? Partez, partez vite ! En ce moment. Richelieu rassemble ses hommes."

Du fond de la nuit, Marion jeta sur le chevalier de Capestang un long, un profond regard, et, en elle-même, elle murmura :

"Adieu, mon premier amour... mon unique amour peut-être !"

Brusquement, elle le saisit dans ses bras, attira sa tête à elle, et l’embrassa sur les lèvres, d’un baiser âpre et doux. Puis elle s’élança et disparut, laissant le jeune homme tout étourdi de ce baiser.

Capestang alla se placer de l’autre côté de la rue et se dissimula dans l’ombre. Dix minutes plus tard, il vit sortir Cogolin et l’appela. Comme Cogolin commençait à raconter fièrement son terrible combat avec le cocher et le rôle qu’avait joué sa perruque dans cette mémorable rencontre, il lui ordonna de se taire, d’une voix si sombre, que le digne écuyer en demeura tout contristé.

À ce moment, la porte de l’hôtel s’ouvrit. Une chaise de poste parut, attelée de deux vigoureux chevaux. À la lueur d’une torche que tenait le concierge, Capestang entrevit comme dans un rêve fugitif Cinq-Mars et Marion Delorme serrés l’un contre l’autre. Le véhicule s’élança et bientôt disparut. Capestang poussa un long soupir.