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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/478

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si flamboyant que Belphégor a peur et recule. Mais d’un puissant effort, Léonora Galigaï se calme.

"C’est bien, dit-elle froidement, ce n’est pas maintenant l’heure de chercher ensemble quelle fut cette voix et à quel ordre tu as obéi, du ciel ou de l’enfer. Te voici, c’est bien. Demain, nous parlerons du passé. Demain, tu me raconteras minute par minute ce qui s’est passé dans les souterrains de l’hôtel. Aujourd’hui, on veut me tuer, tu l’as dit..."

Le Nubien serre les poings et montre les dents.

"Oui, oui, je sais. Tu mourrais pour moi. Eh bien, Belphégor, arme-toi solidement d’un bon poignard. C’est une arme terrible dans ta main. Tu viendras m’attendre à la porte de monseigneur. Toute la journée, tu me suivras, tu seras à portée de ma voix, tu seras ma main armée, où que j’aille, où que je sois. Et si d’un signe ou d’un mot, je te désigne un homme, frappe sans hésiter."

Léonora, suivie de Belphégor, se dirige rapidement vers la porte qu’elle ouvre, et elle passe dans l’antichambre. Là elle s’arrête : un homme, un nain, à l’autre bout de l’antichambre, paraît occupé à regarder attentivement un tableau.

"Lorenzo !" murmure en tressaillant Léonora.

Et un soupçon rapide comme ces éclairs qui déchirent la nuit, zèbre son cerveau de ténèbres. Ce n’est pas que la présence de Lorenzo soit étonnante ! Souvent, bien souvent, il vient à l’hôtel d’Ancre. D’ailleurs, Lorenzo s’est retourné. Il a vu Léonora et il vient à elle, il s’incline :

"Madame, dit-il, j’ai pensé qu’en un pareil jour de malheur, mes faibles avis pourraient ne pas vous être inutiles, et je suis accouru."

Un instant, le nain lève la tête vers la maréchale. Et un tressaillement agite encore Léonora : jamais elle n’a vu Lorenzo aussi pâle !... Pourquoi cette pâleur ?

"Merci, mon bon Lorenzo, dit-elle. J’étais sûre de te voir aujourd’hui. Tu ne me quitteras pas. Je vais me rendre au Louvre où je prétends faire mon service près de la reine comme si rien ne nous menaçait. Tu y viendras avec moi."

Lorenzo réprime un mouvement de contrariété ; mais il s’incline et murmure :

"Toute la journée et les jours suivants, je suis tout à la disposition de Votre Seigneurie.

— Bien ! Ton dévouement te sera compté, Lorenzo !" dit Léonora en jetant un regard avide sur le nain ; mais le visage de Lorenzo a repris toute son impassibilité.

Alors Léonora se penche à l’oreille de Belphégor, qu’elle entraîne à quelques pas, et lui glisse cet ordre :

"Si le nain veut te quitter, ne fût-ce qu’un instant, poignarde-le !"

Et elle sort en disant :

"Attendez-moi tous deux à la porte du maréchal."


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Au bruit de sa porte qui s’ouvre, le maréchal d’Ancre a