Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/480

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vivant de ce Louvre, s’il a vraiment l’audace d’y entrer...

— Eh ! rugit Concini, il y viendra avec mille gentilshommes !

— Tu te trompes. La moitié au moins des gentilshommes sur lesquels il compte t’aidera à le tuer !"

Concini considéra Léonora avec stupeur.

"Ils sont à moi !" fit-elle simplement.

Un instant, l’admiration l’emporta en lui sur la haine. Mais secouant la tête, furieusement :

"Soit ! Admettons même que toute la noblesse soit pour nous aujourd’hui, quitte à nous massacrer demain. Que seront cinq cents ou mille gentilshommes aujourd’hui ? Ne vois-tu pas que c’est Paris tout entier qui va marcher au Louvre avec Guise ? Ne vois-tu pas que c’est trois cent mille Parisiens qu’il aurait fallu acheter ! Non, Léonora ! On n’achète pas la tempête ni le peuple déchaîné. Écoute ces grondements et tu verras que cela ressemble fort à une tempête qui passe dans le ciel !...

— C’est vrai, dit Léonora d’une voix qui fit frissonner Concini, mais si la foudre vient à jaillir de cette tempête, crois-moi, Concino, elle t’atteindra plus sûrement ici que là-bas. Au Louvre, Concino, au Louvre ! Tu n’as ici, pour t’abriter, que des murs et quelques arquebuses. Au Louvre, tu seras dans l’ombre du trône !"

Concini demeura rêveur un instant. Le dernier argument de Léonora triomphait de sa résistance.

"Eh bien ! dit-il sourdement, allons au Louvre ; je vais donner des ordres à Rinaldo pour nous préparer une escorte autour de notre carrosse."

Léonora dit non de la tête.

"Non ? fit Concini qui, une fois de plus, subissait l’ascendant de cet esprit mâle.

— Une escorte, si considérable qu’elle fût, serait dissipée comme une jonchée de feuilles au vent d’orage. Notre carrosse serait broyé. Nous irons à pied. Nous irons seuls. Rinaldo nous rejoindra ensuite là-bas avec une douzaine d’hommes sûrs pour parer à tout événement ; ne t’inquiète de rien, je l’ai prévu. Allons, Concino, du courage !... Courage, ajouta-t-elle d’une voix qui, malgré ses efforts, s’altéra soudain, courage et confiance en celle qui te donne sa vie heure par heure, jusqu’à son dernier battement de cœur..."

Et, saisissant Concino par la main, elle l’entraîna.


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Au Louvre, dès l’arrivée de M. le maréchal d’Ancre, il y eut un conseil auquel assistèrent la reine mère, l’évêque de Luçon, Vitry, capitaine des gardes, et Ornano. L’audacieuse visite du duc de Guise était annoncée pour midi. Il s’agissait de savoir ce qu’on répondrait, ce qu’on ferait. Vitry proposa d’empêcher le duc d’entrer dans le palais et de le repousser à main armée