Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/497

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— Oui, monsieur ! Et je le répète ! cria Cogolin.

— Eh bien, montre ! Je veux que tu me montres la fortune, sans quoi, garde à martin-bâton ! Et je ne frapperai pas à côté comme faisait Turlupin quand tu étais dans le sac..."

Cogolin frémit. Mais rendu stoïque par l’avarice, car rien n’est plus près de la vertu que le péché mortel, il se redressa et dit avec fermeté :

"Monsieur le chevalier, voulez-vous faire fortune ? En ce cas, écoutez une minute et vous frapperez après."

Capestang sauta du lit, saisit Cogolin par une oreille, et cria :

"Je ne veux pas faire fortune ! Je veux voir la fortune que tu apportes. Montre-la !

— La voici !" dit Cogolin.

Et il tendit le parchemin plié et scellé que Capestang saisit en disant :

"Qu’est-ce que cela ?

— Un talisman, monsieur, un admirable talisman que j’ai payé cinq pistoles.

— Mes dernières pistoles ! Ah ! misérable ! Tu mérites...

— Qu’importe, monsieur ! rugit Cogolin qui puisa dans l’excès de la terreur le suprême courage nécessaire pour interrompre le chevalier. Qu’importe, puisqu’avec ce talisman vous pouvez dans le premier tripot venu gagner demain mille écus, ou mille pistoles peut-être, ou mille doublons !"

La colère de Capestang tomba à plat. Il se recoucha en disant seulement :

"Imbécile !

— Pourquoi, monsieur ? Ah ! il est dur de se voir ainsi traité par celui-là même que j’ai voulu enrichir, risquant pour cela la perdition de mon âme.

— Mon pauvre Cogolin ! fit Capestang attendri.

— Dites Laguigne, monsieur !

— Mon pauvre Laguigne, comprends donc une chose : c’est que si on pouvait gagner mille pistoles avec ce chiffon de parchemin, celui qui te l’a vendu serait depuis longtemps riche comme Crésus et n’aurait pas besoin de vendre des talismans. Va dormir, va.

— Monsieur, vous me réduisez au désespoir si vous n’apprenez tout de suite la prière que le sorcier a écrite.

— Va dormir, te dis-je !" hurla Capestang.

Et cette fois, il accentua ses paroles d’un geste si menaçant que l’infortuné Cogolin battit précipitamment en retraite vers le cabinet qu’il occupait. Mais, un instant après, il entrouvrit la porte et passa la tête :

"Monsieur, supplia-t-il, prenez garde que demain il sera trop tard, car Mercure..."

Capestang bondit hors de son lit. Cogolin n’eut que le temps de s’enfermer dans son cabinet. Pour la deuxième fois, le chevalier tout maugréant se recoucha ; dans un geste de rage, il saisit le fameux parchemin, essaya de le déchirer, le roula en