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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/498

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boule et, furieusement, l’envoya à l’autre bout de la chambre. Puis, se tournant sur l’épaule, il ferma les yeux et il se rendormit.

Il se rendormit sans lire les lignes écrites par Lorenzo. Et voici quelle était la prière que Lorenzo avait écrite :

Si vous voulez sauver Giselle d’Angoulême et sa mère, courez sans perdre un instant à Meudon, à l’auberge de la Pie-Voleuse. Demain matin, cette nuit, peut-être, Concini et Léonora Galigaï agiront. Courez. Et quand vous l’aurez sauvée, dites à la duchesse d’Angoulême de pardonner au nain d’Orléans, au sorcier du Pont-au-Change !


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Tandis que cette scène burlesque, mais terrible de conséquences, se déroulait dans la chambre du chevalier de Capestang, voici ce qui se passait dans la maison du Pont-au-Change. Lorenzo était petit, maigre, fluet, presque un nain. Belphégor était grand, fort, bien découplé, presque un colosse. Il faut noter qu’il n’y avait chez le Nubien ni haine, ni colère, ni même simple aversion contre Lorenzo. Léonora Galigaï lui avait donné un ordre : il venait pour exécuter cet ordre, voilà tout. Lorsque Cogolin se fut élancé au-dehors, Belphégor cadenassa la porte.

Les paroles de Lorenzo ne parurent pas émouvoir le Nubien. Ayant achevé tranquillement de pousser les verrous, il se tourna vers le marchand d’herbes.

"Maître, dit-il, je vais vous expliquer ce que la signora a décidé de vous. Voici : ma maîtresse m’a ordonné de vous suivre ici, dans votre maison, pour vous poignarder. Ensuite, je dois jeter votre cadavre à la Seine avec une bonne pierre pesante attachée au cou, afin que nul ne sache ce qu’est devenu le marchand d’herbes du Pont-au-Change."

L’effroyable tranquillité du bourreau fit pâlir Lorenzo plus encore que la peur de la mort. Il considéra un instant le Nubien avec cette sorte de curiosité que l’on éprouve devant les phénomènes imprévus.

"Eh bien, dit-il, frappe !"

En même temps, d’un mouvement insensible, il commençait à reculer vers l’escalier de bois qui montait à son laboratoire. Avec l’incalculable vitesse qu’acquiert l’imagination lorsque la peur suprême visite un cerveau, Lorenzo avait établi le seul plan de défense qui eût quelque chance de succès, bien faible chance, d’ailleurs : occuper, distraire un instant l’esprit du Nubien, s’élancer dans l’escalier, ouvrir la fenêtre qui donnait sur la Seine et se laisser glisser jusqu’à l’eau.

"Frappe !" dit-il.

Le Nubien ne bougea pas de sa place.

"Frappe ! reprit Belphégor, en répétant la parole du nain. C’est ce que je dois faire. C’est ce qui devrait être fait déjà. J’aurais pu vous tuer en venant du Louvre. Je vous