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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/500

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"Tu veux savoir où est Marion Delorme ? fit-il.

— Oui, maître, râla Belphégor. Parlez, et je suis à vous. Sondez l’espace. Regardez dans Paris, dans la France, dans le monde, regardez avec ces yeux inconnus qu’on dit que vous possédez ! Regardez avec cette vue de l’âme qui perce les mystères ! Parlez ! Où est-elle ? Parlez et je suis à vous ! Et jamais ma maîtresse ne saura que vous avez envoyé cette nuit une lettre ! Une lettre, entendez-vous !"

Le visage du Nubien se transfigurait. La foi ardente le transportait. Si Lorenzo, à cet instant, avait dit : « Marion Delorme est en ce moment dans cette rue, dans cette maison », Belphégor se fût rendu tout droit à la rue et à la maison indiquées. Mais Belphégor avait parlé de la lettre confiée à Cogolin. Lorenzo devint livide et se dit : « Le Nubien sait. Le Nubien a tout deviné. Le Nubien va prévenir Léonora. »

Et Lorenzo répondit :

"Laisse-moi faire les calculs nécessaires. Reviens demain, à cette même heure, et tu sauras où se trouve Marion."


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Ces mots étaient prononcés en pleine connaissance de cause. Lorenzo comprit qu’il venait de réussir. Lorenzo avait voulu prouver à Belphégor que lui, sorcier, était impuissant à retrouver Marion Delorme ! Et il avait réussi ! Il n’eut qu’à regarder Belphégor pour s’en rendre compte. Il eut la perception foudroyante qu’il venait de souffler sur la foi du Nubien et de l’éteindre. Tout de suite ! C’était tout de suite que Belphégor voulait savoir !

"Demain ! Des calculs ! Des calculs nécessaires ! Ce n’est donc pas vrai, ces yeux de mystère qui voient le mystère ? Ce n’est donc pas vrai, ces yeux de l’âme qui voient à travers l’espace ? Des calculs ! Cet homme est un homme ! Ce n’est pas le Sorcier !"

Ces déductions rapides comme des décharges électriques zébrèrent de leurs clartés l’esprit de Belphégor ! Oui, la foi... s’écroula en lui avec un bruit de tonnerre ! Oui, du moment que Lorenzo demandait un jour, il cessa d’être le sorcier, celui qui voit à travers les murailles et entend au-delà. Belphégor ploya les épaules. Ses traits se détendirent. Ses yeux révulsés reprirent leur morne expression. Il jeta autour de lui un long regard étonné, puis, tout à coup, ce regard se posa sur Lorenzo qui, doucement, sans un bruit, montait à reculons.

Belphégor bondit. Il se rua en secouant la tête, en poussant un soupir de désespérance atroce, en grinçant des dents, en mâchant de violentes imprécations. Il n’était plus le bourreau impassible qui exécute une sentence, sans haine ni colère. Les rages, les tempêtes de rage se déchaînaient en lui. Il allait tuer pour son propre compte. Tuer le faux sorcier, tuer l’homme qui venait de lui prouver que son rêve était une chimère ! Il se rua, le poignard levé. Lorenzo sourit.

"Viens, murmura-t-il en lui-même. Viens mourir ! La