Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/529

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une étrange douceur, elle relut une dernière fois ce papier, qu’elle avait lu si souvent, et qui commençait par ces mots :

"Moi, Adhémar de Trémazenc, chevalier de Capestang, j’offre mes remerciements à la Belle endormie dans ce château."

D’un murmure très bas, très doux, qui était le soupir de toute son espérance d’amour, elle répéta les derniers mots :

"Pour le charme de cette hospitalité mystérieuse, je lui engage ma vie."

Le papier trembla au bout de ses doigts. Elle ferma les yeux. Entre les cils, des diamants apparurent et roulèrent lentement... Loin de l’univers, loin des bruits de bataille, des rumeurs des assaillants, Giselle, une seconde, étreignit son rêve et murmura :

"Je lui engage ma vie !"

À ce moment, du côté de la route, un craquement, une clameur, puis le bruit des pas précipités de gens qui s’avancent ! Giselle tressaillit, jeta un suprême regard sur l’écriture de Capestang, et la porta à ses lèvres : c’était son premier baiser d’amour. Puis, sans hâte, elle replaça le papier où elle l’avait pris : dans son sein.

Alors, elle saisit le flambeau et écouta. Elle entendit des appels, des cris. Les assaillants, l’un après l’autre, visitaient les pièces du château. Ils avançaient. Ils approchaient. Elle comprit qu’ils étaient tout près ! Qu’ils allaient entrer ! Alors elle marcha à la poudre.

Un cri, dans cette seconde, un cri d’appel frénétique, puissant, terrible, balaya, domina tous les cris, tous les appels ! Une voix délirante, une de ces voix qu’on entend seulement dans les rêves ! Et cette voix, ah ! cette voix qui la remit debout toute frémissante, qui vint la frapper au cœur, qui lui fit pousser, à elle, une clameur insensée d’espoir, d’amour, d’orgueil, cette voix hurlait :

"Giselle ! Me voici ! Giselle ! Giselle !

— Lui ! Capestang ! Me voici, Capestang ! À moi !"

Et, sans l’éteindre, elle reposa le flambeau sur la cheminée. Elle se rua sur la porte d’entrée qu’elle ouvrit, enfonça, et, les bras tendus, tout son amour avoué, proclamé dans la minute mortelle :

"À moi ! Capestang !

— Me voici !"

Ce fut comme un coup de tonnerre. Et alors, voici que Giselle éperdue, agonisante, cramponnée d’une main au chambranle de la porte, voici le prodigieux spectacle qu’elle vit :

La vaste pièce où elle plongeait son regard vacillant comme si elle eût considéré un abîme, était pleine de gens, l’épée à la main. Ils étaient une quinzaine qui hurlaient, vociféraient, avançaient, reculaient, portaient de furieux coups de pointe à un homme.