Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/54

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de noms, je n’en ai pas assez, cela compense : puis MM. de Bazorges, de Montreval, de Louvignac, de Chalabre et de Pontraille, qui vont avoir l’honneur de vous tuer proprement et sans scandale."

Capestang salua et répondit :

"Je suis flatté de faire connaissance avec le visage de ces messieurs, car au bois de Meudon je n’ai pu voir que leurs dos et leurs talons. C’est donc ici, messieurs, le coupe-gorge de l’hôtel Concini ? Laissez-moi vous faire un reproche : quand vous avez assassiné, vous devriez au moins laver les dalles.

― Monsieur est bien bavard, dit Louvignac ; j'ai bien envie de le tuer tout de suite.

― Eh ! fit Montreval, donnons-lui le temps d'une prière. Nous ne sommes ni Turcs, ni Maures, que diable !"

Capestang tira sa rapière, saisit son poignard de la main gauche :

"Quand vous voudrez, messieurs les bourreaux ordinaires de M. le maréchal des sbires !

― Hein ! gronda Chalabre, il me semble qu’il insulte monseigneur !

― Faudra-t-il vous souffleter comme je viens de souffleter votre maître ?" rugit Capestang.

Il était impatient de la bataille. Ses oreilles tintaient. Cette attitude pétrifiée qu’il avait prise d’abord s’était fondue. L’œil provocant, la lèvre insolente, le sang à la tête, il voyait rouge. Le danger l’exaspérait. L’affreuse situation où il se trouvait, dans cette cage de pierre, en face de six spadassins dont les visages pâles et convulsés aspiraient le meurtre, il l’oubliait ! Se battre ! Frapper d’estoc et de taille ! Tuer ou être tué ! Il n’y avait plus en lui qu’une frénésie de combat. Sa rapière, vivant serpent, sifflait dans sa main. Son pied battait des appels. Souple, nerveux, le geste multiple, la parole âpre, pareil lui-même à une lame d’acier vivante, il les provoquait, les menaçait de la voix, du regard, de tout son être tendu comme un ressort.

"Eh ! cria Pontraille, le faquin va m'éborgner ! Comment dis-tu qu'il s'appelle, Rinaldo ?

― Trémazenc de Capestang ! fit Rinaldo en enflant la voix et en éclatant de rire.

― Capestang ? Allons donc ! Regarde-le ; c’est Capitan qu’il faut dire ! c’est le Capitan de la comédie, braillard, vantard, et qui a besoin qu’on lui tire les oreilles !

― En ce cas, hurla le chevalier, je suis chez Pulcinello ! chez Pantalon !

― Calme-toi, seigneur Capitan, seigneur fier-à-bras, dit Rinaldo en riant, toujours ; messieurs, une petite saignée au capitan avant de le livrer à la latte de bois d’Arlequin."

En même temps, les six dégainèrent.