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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/65

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trois fois, jaillit de sa gorge, révèle la vie, dans le même instant, elle est saisie, bâillonnée, emportée, jetée dans une voiture dont les chevaux s’élancent à fond de train.


Lorsque le chevalier de Capestang, après un évanouissement qui dut être assez long, revint à lui, sa première pensée fut celle-ci :

"Voilà un lit aussi dur que le roc, aussi peu tendre que le cœur de dame Nicolette, patronne de cette auberge de la Pie-Voleuse. Corbacque ! que ses lits sont durs ! J’en suis moulu, j’en ai les côtes en capilotade."

Il allongea les mains autour de lui et comprit qu'il n'était nullement dans un lit.

"Tiens ! fit-il, j’ai roulé sur le plancher. Oui, par ma foi, me voici bien sur des planches raboteuses. Je ne m’étonne plus maintenant d’avoir eu le cauchemar. Quel rêve ! Ventre du pape ! Quels enragés aboyant à mes chausses ! Quels coups ! D’estafilade ou de pointe, de tête ou de revers, j’en étais tailladé, mis en pièces, déchiqueté comme un jambon ! Morbleu ! Tâchons de regagner notre lit. C’est curieux comme la tête me tourne. Qu’ai-je bu donc à souper ?"

Là-dessus, Capestang se souleva, ou plutôt essaya de se soulever. Mais alors il éprouva de telles brûlures sur huit ou dix endroits de son corps qu’il retomba en disant : "Aïe ! Ouf ! Peste !" Puis il ajouta : "Je n’ai pas rêvé !"

La mémoire, alors, se remit à fonctionner comme une délicate mécanique un instant détraquée qui reprend sa marche. Il revit son entrée dans Paris, sa rencontre avec Rinaldo, son arrivée à l’hôtel, le pauvre hère qu’il avait délivré des mains de son guide, sa réception chez le maréchal d’Ancre, la pièce dallée, les éclaboussures de sang, l’entrée silencieuse et nonchalante des spadassins, la bataille enragée, la fuite éperdue dans un escalier, puis dans un couloir au fond duquel il s’était retranché derrière une porte qu’il avait fermée à clef. Toutes ces images se succédèrent sur l’écran du souvenir avec une rapidité qui n’excluait pas la netteté.

"Décidément, bredouilla-t-il, j’ai rencontré Laguigne ! Que ne l’ai-je laissé étrangler ! J’ai soif. J’ai eu soif souvent. Mais jamais je n’ai enragé d’une pareille soif. Oh ! ajouta-t-il tout à coup avec un cri. Et mon cheval ! Mon pauvre Fend-l’Air ! Qu’en ont-ils